Article de Geneviève Charras sur le concert GRM/étudiants

l’article en ligne:

http://genevieve-charras.blogspot.fr/2016/09/musica-soiree-electro-choc.html


« Jeunes talents, musique acousmatique »
Acoustique? Vous avez-dit « musique acoustique? Alors devant vous dans la salle de la Bourse, réaménagée à l’occasion du festival, de curieux instruments vous regardent: sorte d’oculus, de globes oculaires, haut-parleurs, sorte de pavillon de phonographe: un attirail hétéroclite de toute beauté plastique et quasi cinétique, très vintage.Sculptures sonores qui vont réverbérer le son, en direct façonné et manipulé par les jeunes créateurs du studio d’électroacoustique de la HEAR et du Conservatoire de Strasbourg.
Sous la direction pédagogique du spécialiste en la matière: Tom Mays: un studio-concert de jeunes pousses très prometteuses.
Trois œuvres vont donc dérouler sons et résonances: des pièces courtes, coup de poing pour introduire cette étrange volet de la musique d’aujourd’hui, fille de Pierre Henry.

« Dreaming Expanses » d’Antonio Tules, distille curieusement des bribes de sons variés qui évoquent vrombissements, déglutition, chaos, râles et autres sons de facture très organique: on y digère à sasiété des bruits et couleurs inédits à vous renvoyer dans des univers visionnaires singuliers. Paysages, matières au rendez-vous de cet opus très habile et plein de surprises sonores vibrantes, ronflantes, rondes et charnues.

« Les cheveux ondulés me rappellent la mer de mon pays » de Sergio Nunez Meneses est en fait la dernière phrase audible de cette pièce: murmurée, susurrée au début, peuplée de voix lointaines qui appellent la muse Echo, celle qui disparaît, se désincarne pour n’émettre que du son. Les instruments acoustiques, face à nous, nous interpellent comme des corps dont la vie de chair est absence, mais les résonances, les vibrations bien présentes.Désincarnée, l’oeuvre fait office de flots éparpillés qui chantent, psalmodient, éclatent en de multiples voix: celle d’un discours, celle d’une conversation, des cris et chuchotements, très bande son off cinématographique.
Du bel ouvrage, des « Cris de Paris » contemporains pour une ambiance intimiste ou révoltée.L’eau , l’aquatique, le fluide comme matière d’inspiration où l’on s’immerge à souhait dans un bain de jouvence salvateur.

« Registres » de Loic Leroux, dans la même veine délivre sons et pulsations, spatiales, très oniriques, larges et étirées dans l’atmosphère. Amplitude, réserve, concentration et délivrance des sons, en font un voyage très respiré, très inspiré, au souffle amplifié, magnifié par l’acousmonium.
Déluge, chaos tectonique, source de déflagration et voilà l’univers sonore créé, grave et convaincant.

Au tour du « maître » de s’exposer à l’ouïe pour des sons inouïs: « Presque rien pour Karlax » de Tom Mays
Paysages d’aujourd’hui, sons d’autoroutes en délire, de passages furtifs de sonorités singulières: bruits du quotidien pour amplifier des ambiances reconnaissables, identifiables .Trame sonore riche des sons de Luc Ferrari, remodelés, triturés, manipulés comme de la pâte à modeler le son.
Plastique, visuel, sonore, ce récital, atelier fur une révélation de ce qui se trame et s’enchaîne dans les studios de fabrication, dans la recherche joyeuse et vivante des curiosités de cabinet qui naissent et prennent corps dans les entrailles d’objets singuliers qui diffusent la magie, alchimie du son acoustique en diable.
Il y a du visionnaire dans ce paysage de science friction, fiction du son, si beau à contempler aussi!